YILAN, UNE FEMME HANI DU XISHUANBANNA
Legende des photos:
1 - brume matinale sur les plantations de the
2 - plantations de the (sans la brume)
3 - decouverte de la flute dans le village Bulang
4 - demonstration de guimbarde mongole
5 et 6 - village de Baluo
7 - Yilan
Lorsqu'on se laisse guider par le hasard alors qu'il nous devie de la route que nous nous etions tracee, on se retrouve transporte dans des lieux que nous n'aurions pas imagine pour vivre les experiences les plus enrichissantes.
C'est comme cela qu'en cherchant toujours avec le meme acharnement les musiciens du Yunnan, nous avons atterri dans le tout petite village de Baluo, ou sejourne Yilan.
Je reprend par le commencement!!
Arrives a Jinghong apres 18 heures de bus de Kunming, nous avons eu la chance de trouver sans trop de mal une guide intrepide prete a sortir des sentiers touristiques pour essayer de tirer quelques sons de la dense savane du sud du pays. La region est tropicale, proche des terres Birmanes ou de celles du Laos. La premiere destination est le marche du dimanche de Menghai, ou se reunissent la plupart des ethnies de la region: Hani, Akha, Bulang... Le spectacle est des plus bigarres:
Les femmes coiffees de chapeaux abracadabrants se ruent sur nous, gris gris, clochettes et bouts de tissus a la main pour essayer d'en sous tirer quelques yuans. Un pseudo dentiste arrache canines et molaires aux autochtones, colmatant apres coup les breches avec une pate rose cache-misere dont je ne prefere pas connaitre la substance. Les ustensiles de charcutage passent de bouche a bouche sans desinfection... Je n'en dis pas plus, je pense que c'est clair!
Plus nous progressons dans les allees du marche, plus la grappe de vieilles femmes des minorites se fait grande dans notre dos. Elles repetent quelques mots francais entendus a la volee en riant a gorge deployee. Ce marche que nous trouvons si exotique au depart prend des allures de cauchemard lorsqu'il s'agit de nous detacher de cette horde de vendeuses afin de poursuivre notre chemin tranquillement!
Heureusement pendant cette foire pas possible, notre guide n'a pas perdu de temps: nous sautons vite dans une cariole bondee de femmes de l'ethnie Hani. Les tetes sortent du toit et les fesses depassent de tous cotes, mais en Chine surtout: "quand y en a plus y en a encore" et nous trouvons finalement un bout de place a bord. Le tracteur crache quelques fumees noires avant d'entamer son voyage a travers les paysages du Yunnan tropical.
Un sentiment de bonheur teinte d'amertume nous accompagne dans cette longue promenade. La solitude me surprend, le coeur deracine par notre difference: nous nous laissons transporter encore plus loin dans l'ermitage de nos codes et de nos regles. Cependant la gentillesse et l'humour des passageres nous prouve qu'ici dans cette partie reculee du pays un echange est encore possible entre voyageurs et habitants. Le virus de l'argent n'a pas encore creuse un enorme fosse entre les cultures.
Les paysages sont epoustouflants!! Nos regards passent des plantations de the qui sculptent les colines et dessinent d'improbables formes geometriques, aux forets de canne a sucre dont nous machouillons les fibres, le plus caracteristique etant peut-etre les rizieres cultivees en escalier.
Le premier village que nous traversons compte 18 familles. Quelques femmes y descendent, la pipe a la bouche en nous faisant un signe du bras et nous continuons notre route un peu plus haut dans la montagne. C'est dans le deuxieme village que Yilan nous ouvre les portes de sa hutte: l'interieur est sombre, sans lumiere ni fenetre, et nos yeux ont besoin de quelques minutes pour voir apparaitre progressivement les objets et l'amenagement interieur. Quelques poules et poussins entrent librement dans le logis a la recherche de restes de nourriture. hem hem... inutile de dire qu'il est trop tard pour faire demi-tour, grippe aviaire ou pas!
Yilan est une femme touchante, le bonheur qu'elle a de nous recevoir se lit sur son visage. Apres un repas de patates douces partage autour du feu a-meme le sol, nous partons dans la jungle vers un village voisin de l'ethnie Bulang. Visiblement heureuse de promener ses hotes, Yilan laisse aller sa belle voix a quelques chants. D'un sentier voisin, des enfants lui repondent et Raphael a son tour tente, plus laborieusement, de reproduire ces memes melodies! Que pouvons-nous faire ici avec un mini-disc et un micro? Ces musiques-la ne s'enregistrent pas, elles se vivent!!
Notre condition de citadins habitues a un certain confort revient vite au galop au millieu de ce reve un peu exotique lorsque Yilan arrive pres de moi avec dans sa main une enorme arraignee jaune, soit disant delicieuse a deguster! Ou encore le soir, alors qu'il faut aller faire ses besoins dans les hautes herbes qui grouillent d'animaux (hostiles), sachant que chiens et porcs guettent toute cette scene pour se regaler ensuite de nos excrements... Lorsqu'on sait qu'on mange les porcs apres, cela fait reflechir! La nuit tombee, notre guide, Raphael et moi nous blottissons dans le nid que Yilan a prepare avec le plus grand soin. Elle guette au coin du feu apres nous avoir borde comme une vraie maman!
Le lendemain, au moment des adieux, Yilan nous accompagne a la lisiere de la foret avec son petit fils sur le dos. Nous nous serrons tres fort dans les bras et lorsque nous commencons notre descente, elle entame un magnifique chant d'adieu. Les larmes aux yeux et tous les trois boulverses par cette rencontre, nous poursuivont notre route sans dire mot jusqu'a l'autre flanc de la montagne d'ou nous lui faisons un dernier signe de bras, alors qu'elle n'est plus qu'un tout petit point rouge dans un champ de the, avant de disparaitre.
De telles rencontres font biensur reflechir...
La sincerite et l'authenticite se retrouvent-elles plus proches de la nature et des choses simples? Les villes et toutes leurs structures nous ont peu a peu transformes, nous faisant perdre l'essence des choses, le sens de nos actes. Ainsi, bien souvent, nous ne comprenons pas la raison de nos faits et gestes. Nous nageons au millieu d'un ocean d'informations au milieu duquel nous sommes obliges de nous faire une bulle pour nous en proteger. Comme cela nous avons peut-etre perdu beaucoup de sourires vrais et de chansons gratuites.
Nathalie.
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