06 février, 2006











LES CHAPELLES DE PONDICHERY - janvier 2006
Legendes des photos:
1 - Benediction de l'elephant devant le temple dedie a Ganesh
2 - Front de mer, "beach road" ou "promenade des francais"
3 - parties de petanque en centre-ville
4 - le Matrimandir d'Auroville, salle de meditation
5 - les "gongs" d'Auroville attendent d'etre replaces sur le toit du Matrimandir
6 - concert dans la salle Pitanga d'Auroville
7 et 8 - animations dans les ecoles de l'ashram de Sri Aurobindo
9 - animation dans l'ecole du quartier des lepreux
10 - avec la famille Bouman et le clavecin construit par Hendrik
11 - eglise de l'immaculee conception, Pondichery


Pondichery ou le "panier de crabes"
Pondichery ou le "nid de viperes"
Pondichery ou le "grand echiquier"...

Autant de sous-titres possibles qui vous donnent une idee de l'ambiance qui regne sur cette terre chargee d'histoire... (http://www.pondichery.com/french/histoire/). Dernier comptoir francais en Inde et ce jusqu'en 1954, cette petite bourgade de province offre un charme tout particulier, et bien different du reste du pays.
Ici, les noms des rues sont ecrits aussi en francais, la promenade des anglais s'appelle promenade des francais, les papys indiens tirent ou pointent le cochonet sur la place du village, les restos proposent tous une carte francophone dans laquelle le filet de boeuf a l'echalotte cotoie la terrine de lapin, et nombre de batiments ou institutions temoignent encore de ce passe colonialiste.
Autant vous dire qu'apres plus de quatre mois de voyage en Asie, le decor n'est pas deplaisant, la terrine est bienvenue, et vas-y aussi pour le steack. A peine le temps de nous refaire une sante et de donner un premier concert a l'alliance francaise, nous voici vite projettes dans ce grand echiquier dont nous vous parlions. Cette petite ville abrite autant d'institutions qui se regardent de travers, se rejettent ou se convoitent, s'influencent ou se detestent. Chacune d'elles est presente lors de ce premier concert, nous offrant du coup la possibilite de donner trois concerts supplementaires, et nous decidant donc a ramener nos pions une fois remplis nos engagements a Bombay.

Dans le role du roi, Sri Aurobindo, sans contexte. Ce sage-penseur-gourou comme l'Inde en compte beaucoup a fait ses etudes en angleterre pour venir ensuite precher une spiritualite qui se veut etre une synthese des deux cultures, hindouiste-traditionnaliste et occidentale-moderniste.

La dame se faisait appeler "la mere", une francaise qui l'a rejoint dans les annees 50 ou peut-etre meme avant, et qui l'a aide a fonder l'ashram. Tous deux sont maintenant morts et reposent dans un samadhi, un tombeau transforme en sanctuaire sur lequel viennent mediter nombres d'indiens ou d'occidentaux. L'ashram possede bien la moitie de la "ville blanche", les portraits "royaux" habillent les murs de toutes les maisons de la ville, ornent les commerces et encombrent les chambres d'hotels.

Le couple royal a fait des petits, attribuons-leur les fous puisque les pieces sont la... Ils se crepent joyeusement le chignon a Auroville, un site tout a fait etonnant a quelques kilometres de Pondi. Auroville, la "cite de l'aurore" (nous ne nous risquerons pas au jeu de mots), est une ville idealiste (utopiste?) insufflee par "la Mere". En 68, des representants de 120 pays deposent symboliquement un peu de leur terre dans une urne, et construisent dans le desert de sable rouge une cite de "l'eternelle jeunesse" ou fraternite, harmonie et progres sont les maitres-mots guidant la conception du site. Aujourd'hui quelques milliers d'habitants disperses dans plusieurs villages forment differentes communautes, artistiques, agricoles, educatives...

Le role du cavalier revient a Hendrik Bouman. Etonnante rencontre que celle de ce gentleman hollandais, claveciniste eleve de Koopman a Amsterdam, qui fut pilier de Musica Antiqua Koln a ses debuts, avant de choisir de prendre le large. Apres avoir galope a travers differents pays et modes de vie, (Allemagne, Inde, France, Canada, tournees de concerts, retraite en Italie avant une annee sur un bateau avec femme et enfants), il semble s'etre pose pour un temps a Pondi, entre ashram et Auroville, pour se consacrer a ses compositions dans le style baroque. Le clavecin qu'il a construit est bien la, les bagages qui les suivent avec un pays de retard arriveront bientot, dans un an peut-etre, a moins qu'ils ne decident subitement de reprendre le large...

Ils manquerait encore beaucoup de pions pour habiller les nombreuses autres institutions qui regnent a Pondi. Associations, ONG, missions catholiques, benevolat ou volontariat qui ont jete l'ancre ici - tous pour la meme cause mais utilisant des mots, des armes, des religions, et des moyens differents - donnent a la ville une diversite source de richesses autant que de conflits.

Dans ce joyeux desordre et ces querelles de chapelles, l'alliance francaise se pose en arbitre. Neutre et du haut de sa tour, son directeur se garde bien d'afficher une couleur autre que celle de la laicite pluriculturelle. Et c'est tant mieux! L'accueil qu'il nous a reserve et le concert dans l'auditorium font partie des bons moments de Pondichery.

Pendant la quinzaine de jours que totalisent nos deux sejours, nous avons donc deplace nos pions d'un bout a l'autre du carre, se donnant -naivement- la mission d'harmoniser l'espace de jeu, pour finalement choisir (sagesse?) de reculer nos pions, retrouver pour le dernier concert l'espace neutre, la page blanche ou le disque vierge dans laquelle la musique s'epanouit le mieux, n'acceptant aucun compromis ni aucune ambiguite.

Raphael et Nathalie.