08 avril, 2006






FRONT LINE BOU-BOU - mars 2006

13h00: c'est l´heure de la pause. Nous nous apprêtons à rejoindre la caféteria du CCF pour déguster notre carcade quotidien lorsque Daffala nous interpelle:
- Je vous emmène chez le tailleur pour faire faire les uniformes du concert!
Avec Daffala, les ordres sont les ordres, nous embarquons donc sans broncher dans son véhicule qui doit être la carlingue la plus rouillée de tout Khartoum. Bing bang flonk splach et compagnie, nous sommes partis!

Après avoir sillonné longuement les ruelles en terre d'Ondurman et nous être arretés une petite heure chez le garagiste (si on peut encore parler de garagiste: il plonge dans sa collection de pièces detachées usagées pour sortir un vieux boulon qu'il s'empresse de remplacer sous la carcasse en ruine. Et ca marche, c'est ca le pire!!) nous nous arrêtons finalement en face d'une maisonette en terre. Trois vagues bouts de tissus delavés dans la vitrine laissent soupçonner la présence d'un couturier. Toute la troupe entre... La discussion des prix envenime l'ambiance guillerette de la journée ensoleillée et une véritable dispute eclate finalement, si bien que Daffala quitte le lieu en claquant la porte, suivi de près par sa troupe et nous deux suivant derrière sur la pointe des pieds. Le tailleur suivant semble plus concilliant: il commence à prendre courageusement les mesures de chacun des musiciens, quand a 17h00 pétantes, il lache son mètre, bredouille quelques mots incomprehensibles, reçoit apparemment l'approbation générale pour embarquer toute l'équipe prier à la mosquée du coin.

Nous voilà soudainement seuls dans le minuscule atelier ou trône une vieille machine Singer à manivelle (comme du temps de ma grand-mère), entourée de touffes de tissus effilochés tous plus moches les uns que les autres. Le fou rire eclate biensûr immédiatement. Dans quelle aventure abracadabrante nous sommes-nous encore fourrés!! Nous soufflons un peu, reprenons nos esprits, et à peine 15 minutes après, le troupeau masculin reviens avec vacarme en s'engouffrant à nouveau dans la petite pièce.

Les vrais problèmes surviennent à ce stade-ci de l'histoire! Le choix de la chemise et les mesures des hommes étant prises, il reste mon cas à discuter... Des affiches d'exemples de robes tapissent les murs de la barraque et tous se mettent à inspecter les figurines une par une en donnant leur avis (cf photo ci-dessus). Le ton monte à nouveau... Avec effroi, je les vois passer leurs doigts sur des robes à frou-frou, robes de nuits à dentelles brillantes et autres tuniques ethniques zoulous toutes plus extravagantes les unes que les autres...
Je me dis: ce n'est pas vrai!!, c'est tout de même moi que ça concerne finalement! Je surmonte ma timidité pour intervenir au milleu de cette pagaille. Je leur propose un ensemble tout simple, et comme par enchantement, ils acceptent ce choix judicieux de la sobriété.
Je n'echaperai cependant pas au "bou-bou nid-d'oiseau" sur le crâne, qui semble indéniablement faire partie du folklore local!

Un autre problème survient également: qui va prendre mes mesures?
*Au Soudan comme dans les autres pays musulmans, il n'y a pas de contact physique entre hommes et femmes*
Je vois le couturier qui commence à se tortiller, regarder à droite puis à gauche, pour finalement fourrer son mètre-ruban dans les mains de son neveu. Le pauvre garcon, il semble à peine sorti de l'adolescence vu les vagues picots de moustache post-pubère qui se dessinnent au-dessus de ses lèvres. Gêné comme jamais, il prend mes mensurations du bout des doigts avec 20 cm de marge chaque fois pour ne pas me toucher.
Mon dieu! en plus du bou-bou je me retrouverai avec une poitrine gigantesque et un arriere train de mama. Je n'ai plus rien à perdre maintenant!

Finalement tout s'est bien terminé malgre une nouvelle discussion entre tous les hommes du groupe juste avant le concert sur la manière de nouer le bou-bou sur la tête. Ils me tripotaient encore le crâne les uns apres les autres quelques secondes avant d'entrer sur scène! Si bien que je me suis demandée pendant toute la durée du concert si je ressemblais plus à un chou-fleur, un champignon ou une salade frisée!

Nathalie.