08 novembre, 2005


MITSUI KOYOZAN UN FACTEUR SOLITAIRE

Legende des photos:
1 - concert au Tokyo Shokan Hall
2 - Mitsui Koyozan dans son atelier

La route est longue: un bus au depart de Tokyo traverse la ville et ses gratte-ciels, la banlieue et ses echangeurs incomprehensibles pour atteindre finalement une nature verdoyante a plus d'une heure de route de Tokyo en direction du Nord-Est.
Fraichement debarques du bus, nous sommes recueillis par notre homme qui nous embarque a bord de sa voiture. Un disque des suites pour orchestre de Bach diffuse a faible volume apporte a l'ambiance deja feutree une touche finale de confort et d'elegance. Les trois quart d'heure de route qu'il reste encore a parcourir entre la station de bus et la maison de Koyozan nous servent a faire davantage connaissance, les echanges se faisant calmement dans un anglais qu'il maitrise sommairement.

Apres avoir traverse quelques forets et zones marecageuses, nous arrivons chez Koyozan: une belle maison construite il y a une dizaine d'annees au bout d'un chemin, entre un lac et une foret de bambous. Koyozan nous dit avoir quitte la ville saturee de Yokohama 2 ans auparavant pour venir s'installer dans cette region calme de l'Ibaraki-Ken. La discussion se dirige peu a peu vers le shakuhachi, flute traditionnelle verticale japonaise qu'il fabrique dans l'atelier adjacant a sa maison. Le nom de cet instrument importe de Chine au VIeme siecle est derive de"isshakuhassun" qui signifie 1 shaku et 8 sun (longueur japonaise de 1,8 pied) et correspond a une taille standard de 54,5 cm.
Koyozan nous presente plusieurs tailles d'instruments (il en existe pres d'une dizaine), tous tailles dans le madake, un bambou prealablement seche plusieurs mois durant. L'embouchure du shakuhachi est assez particuliere, comportant la piece la plus importante de l'instrument, une plaquette finement taillee en ivoire ou en corne de buffle. La projection de l'air de part et d'autre de l'embouchure la rapproche de celle de la flute traversiere. Le son de l'instrument, assez difficile a produire, est percant, fragile et flexible, metallique, avec des harmoniques aigues tres presentes donnant un timbre cuivre. Un hochement de tete produit le vibrato sur les notes les plus longues. Koyozan plonge dans ses vieux grimoires pour remonter, croquis a l'appui, aux sources du shakuhachi, nous exhibant des reproductions d'instruments provenant de Chine, conserves dans les musees de Nara (Japon) et Shanghai (Chine). Un point d'interrogation subsiste cependant: au fil des siecles, ces flutes semblent perdre un a un chacun de leurs trous, des premiers modeles a 9 trous pour arriver a l'actuel shakuhachi a 5 trous... {!!Attention!! Cet instrument risque serieusement de se transformer en matraque dans quelques siecles!!!}

Deux ecoles de shakuhachi confrontent leurs style, embouchures et techniques de jeu: l'ecole Kinko qui date de l'ere Edo ( 1600-1868) et l'ecole Tozang, ancienne de seulement 80 annees.

Apres la pause du dejeuner, il ne reste que peu de temps a Koyozan pour nous faire visiter son atelier aux allures de cabanon suedois. Il recele des bambous de toutes tailles en phase de desechement, quelques ustensiles-grattoirs et une terre magique pollisseuse d'interieur de tube mais puant la rage. Nous n'etions pas conscients qu'il avait prevu de nous consacrer la journee pour repondre a toutes nos questions. La grande generosite de cet homme qui, sans nous avoir jamais vu auparavant, vient nous chercher a la gare, nous invite au restaurant, nous donne tout son temps, presente et fait sonner chacun de ses instruments pour satisfaire notre curiosite, est desarmante, et nous laisse sans mot au moment des adieux.

Raphael.