08 avril, 2006




LES COULEURS DE L'AFRIQUE DU SUD - 8 avril 2006
légendes des photos:
1 - Dans notre avion aux couleurs de l'Afrique du sud, survolant l'océan atlantique
2 et 3 - Un lionceau blanc et un zèbre d'une reserve naturelle
4 - le t-shirt de l'école de Robin, petit cousin de Nathalie

Lorsque nous survolons le territoire sud-africain pour la première fois, c'est d'abord le vert qui nous saute aux yeux. Prairies d'herbes grasses, montagnes et collines boisées, forêts généreuses. Les déserts d'Iran et du Soudan ne nous avaient pas vraiment habitué à cela! L'avion se rapproche du sol et survole maintenant les faubourgs -chics?- de Johannesburg, et de petites taches de bleu turquoise viennent s'incruster ici et là dans la grande mosaïque verdoyante: les piscines, présentes dans presque tous les jardins de cette banlieue, nous donnent vite une idée du degré de développement de ce pays.

Les banlieues et zones commerciales que nous traversons à bord de la voiture de (tante) Nicky qui nous ramène de l'aéroport, confirment rapidement nos premières impressions d'un pays très développé. Et si l'on mettait de côté la conduite à gauche (mais mieux vaut ne pas l'oublier trop longtemps!...), ce pays présenterait au premier abord de nombreux points communs avec l'un ou l'autre état des Etats-Unis: tout ici est écrit en anglais, les belles voitures rutilantes vrombissent de tout leur long sur de larges axes routiers, slaloment entre des villas surprotégées, avec à chaque feu rouge, devant le Mac Do, des vendeurs de pacotille, issus de cette forte minorité noire, qui tentent de s'en sortir en vendant le journal, un lot de cintres ou de parapluies...

Minorité noire? Non, les noirs sont biensûr largement majoritaires en Afrique du Sud (près de 90%). Mais si longtemps ecrasés par les blancs, descendants des colons européens pour la plupart anglais et hollandais, arrivés sur cette terre éloignée depuis bien des générations. C'est parce qu'ils sont largement majoritaires, et on aurait envie de dire "chez eux", que ce rapport de force donne un profond sentiment de malaise. Malaise par procuration... il nous est très inconfortable de nous mettre dans la peau d'un blanc ici. Devoir de mémoire, mémoire collective. On ne peut être cependant coupable de sa naissance mais coupable de ses actes ou responsable de ses pensées. Apres tant de générations passées, quelle est le sentiment de légitimité de quelqu'un qui n'a pas choisi de naître blanc en Afrique du sud? Nos pensées perdent leurs bon sens, et qu'en est-il de la soufrance des noirs! Le pays porte indéniablement les marques de l'apartheid, et douze années apres l'abolition de la segrégation raciale, la séparation dans les esprits est toujours bien là. Si les ghettos, ou villes à majorité noire subsistent (Soweto), les blancs de leur côté se retrouvent dans des quartiers sécurisés, font leur courses dans les centres commerciaux des quartiers blancs, servis par des noirs... Un echiquier où le noir et le blanc se cotoient, se croisent et s'affrontent parfois, sans jamais se métisser, comme sur le mystérieux et impressionnant pelage des zèbres...

Mais les métissages commencent à se faire sur la pointe des pieds, nous dit-on. L'espoir est grandissant, alimenté par un ras-le-bol de cette insecurité qui cloître tout le monde à domicile. A l'image du nouveau drapeau de l'Afrique du sud (http://mapage.noos.fr/drapeaux/afriquedusud.htm) dont les nombreuses couleurs symbolisent l'union pacifiée des différents partis blancs et noirs (noir-jaune-vert pour l'ANC, le parti de l'ancien président Mandela, et rouge-blanc-bleu pour l'ancien drapeau des republiques boer, gouvernées par les blancs). Une autre interprétation du drapeau attribuera au noir et au blanc le symbole des différentes couleurs de peau, au rouge le symbole de la terre, au bleu l'océan, au vert la fertilité, et au jaune, l'or...

C'est finalement peut-être cette couleur qui est responsable d'une bonne partie de tout ce sang versé en Afrique du Sud: ses nombreuses mines d'or (40% de la production mondiale) ont declenché des flux de migration provenant du monde entier, et attiré la convoitise de personnes qui n'avaient plus rien à perdre dans leur pays d'origine. Aujourd'hui, l'Afrique du Sud détient dans ses plus grandes villes les taux de criminalité les plus hauts du monde, et il faut souhaiter à ce pays que la couleur verte reprenne un jour le dessus dans les esprits, et que l'évocation de ce pays nous renvoit d'abord aux couleurs des nombreuses et magnifiques reserves naturelles qu'il possède, avant de songer aux pages les plus noires de son passé sanglant.

Raphael.
EN FAMILLE CHEZ LES ZOULOUS - 5 avril 2006
Courte escale à Johannesburg chez Nicky (ma tante et marraine) et Guy, Thomas, Jasmine et Robin.

La villa coquette aux allures de cottage anglais n'annonce que du bon temps: petit-déjeuners mozartiens, lectures au salon, plongeons dans la piscine, bronzette et leçons d'espagnol dans les transats, sous le doux soleil de l'automne sud-africain...

Pour ne rien vous cacher, nous sommes arrivés dans un état assez lamentable, et si notre tante adorée ne nous avait pas tiré tous les deux par la peau du cou chez le médecin pour soigner infections, vieux maux de gorge, carrences en fer et vitamines, ainsi qu'une acnée toujours persistante, nous aurions fini par être rapatriés illico par le premier boeing.

Les soirées affichent leur programme: moments de divertissements avec les ados autours de jeux de société, Super Cluedo, Marco Pollo et Camelot dont je n'ai d'ailleurs toujours pas compris les règles.
Discussions interminables sur le choix du film, à cause de divergeances de goût au sein du groupe: films anglais mélo-romantiques pour les filles, films d'action americains pour Thomas l'aîné, films de vampires pour Guy, films d'art et essai pour Raf et enfin Walt Disney pour Robin. Je n'oublierai pas non plus de citer les repas gargantuesques et les tablées somptueuses, preparés avec amour par notre chère tantine, soutenue rapidement par notre passion culinaire retrouvée, produisant chaque jour, tartes aux pommes ou aux champignons, gratins de chou-fleurs, gâteaux a la rhubarbe, visitandines et crumbles...

[Ce n'est pas facile tout de même de rester dans l'illusion du confort d'une vie familiale sans voir avec vertige la longue route solitaire que nous avons encore à parcourir...]




Le week-end nous offre la possibilité d'aller prendre la mesure de l'immensité de la nature. Des hectares de savane habritent le bestiaire africain: babouins, gnous, zèbres et giraffes, antilopes et autruches, hyènes, mais surtout le roi des roi: le lion et sa progéniture. Il nous a procuré deux sueurs froides lorsqu'après nous avoir fixé de son regard pénetrant, il s'est dirigé droit vers la voiture, nettoyant tout le flanc gauche de la carcasse avec sa fourrure abondante.

Parmis toutes ces activités, j'aimerais ajouter que j'ai profitté des facilités mises à disposition par ce pays developpé pour m'arranger le faciès et recouper ma touffe chevelue qui commencait à tomber de manière complétement anarchique. Et ce biensûr, par unique soucis de rehausser la qualité visuelle du blog...

Raphael quant à lui, s'est plutôt concentré sur la qualité vestimentaire de sa garde-robe en y ajoutant un magnifique pantalon en velours noir offert par sa nouvelle tante. J'espère de tout coeur qu'il ne vous fera plus subir la vision de ce sac à patates gris qui me sort par les trous de nez à moi aussi!!


Merci de tout coeur à toute la famille pour tous les bons moments passés à discuter, à rire aux eclats jusqu'à en perdre parfois la raison...

Nathalie
.






FRONT LINE BOU-BOU - mars 2006

13h00: c'est l´heure de la pause. Nous nous apprêtons à rejoindre la caféteria du CCF pour déguster notre carcade quotidien lorsque Daffala nous interpelle:
- Je vous emmène chez le tailleur pour faire faire les uniformes du concert!
Avec Daffala, les ordres sont les ordres, nous embarquons donc sans broncher dans son véhicule qui doit être la carlingue la plus rouillée de tout Khartoum. Bing bang flonk splach et compagnie, nous sommes partis!

Après avoir sillonné longuement les ruelles en terre d'Ondurman et nous être arretés une petite heure chez le garagiste (si on peut encore parler de garagiste: il plonge dans sa collection de pièces detachées usagées pour sortir un vieux boulon qu'il s'empresse de remplacer sous la carcasse en ruine. Et ca marche, c'est ca le pire!!) nous nous arrêtons finalement en face d'une maisonette en terre. Trois vagues bouts de tissus delavés dans la vitrine laissent soupçonner la présence d'un couturier. Toute la troupe entre... La discussion des prix envenime l'ambiance guillerette de la journée ensoleillée et une véritable dispute eclate finalement, si bien que Daffala quitte le lieu en claquant la porte, suivi de près par sa troupe et nous deux suivant derrière sur la pointe des pieds. Le tailleur suivant semble plus concilliant: il commence à prendre courageusement les mesures de chacun des musiciens, quand a 17h00 pétantes, il lache son mètre, bredouille quelques mots incomprehensibles, reçoit apparemment l'approbation générale pour embarquer toute l'équipe prier à la mosquée du coin.

Nous voilà soudainement seuls dans le minuscule atelier ou trône une vieille machine Singer à manivelle (comme du temps de ma grand-mère), entourée de touffes de tissus effilochés tous plus moches les uns que les autres. Le fou rire eclate biensûr immédiatement. Dans quelle aventure abracadabrante nous sommes-nous encore fourrés!! Nous soufflons un peu, reprenons nos esprits, et à peine 15 minutes après, le troupeau masculin reviens avec vacarme en s'engouffrant à nouveau dans la petite pièce.

Les vrais problèmes surviennent à ce stade-ci de l'histoire! Le choix de la chemise et les mesures des hommes étant prises, il reste mon cas à discuter... Des affiches d'exemples de robes tapissent les murs de la barraque et tous se mettent à inspecter les figurines une par une en donnant leur avis (cf photo ci-dessus). Le ton monte à nouveau... Avec effroi, je les vois passer leurs doigts sur des robes à frou-frou, robes de nuits à dentelles brillantes et autres tuniques ethniques zoulous toutes plus extravagantes les unes que les autres...
Je me dis: ce n'est pas vrai!!, c'est tout de même moi que ça concerne finalement! Je surmonte ma timidité pour intervenir au milleu de cette pagaille. Je leur propose un ensemble tout simple, et comme par enchantement, ils acceptent ce choix judicieux de la sobriété.
Je n'echaperai cependant pas au "bou-bou nid-d'oiseau" sur le crâne, qui semble indéniablement faire partie du folklore local!

Un autre problème survient également: qui va prendre mes mesures?
*Au Soudan comme dans les autres pays musulmans, il n'y a pas de contact physique entre hommes et femmes*
Je vois le couturier qui commence à se tortiller, regarder à droite puis à gauche, pour finalement fourrer son mètre-ruban dans les mains de son neveu. Le pauvre garcon, il semble à peine sorti de l'adolescence vu les vagues picots de moustache post-pubère qui se dessinnent au-dessus de ses lèvres. Gêné comme jamais, il prend mes mensurations du bout des doigts avec 20 cm de marge chaque fois pour ne pas me toucher.
Mon dieu! en plus du bou-bou je me retrouverai avec une poitrine gigantesque et un arriere train de mama. Je n'ai plus rien à perdre maintenant!

Finalement tout s'est bien terminé malgre une nouvelle discussion entre tous les hommes du groupe juste avant le concert sur la manière de nouer le bou-bou sur la tête. Ils me tripotaient encore le crâne les uns apres les autres quelques secondes avant d'entrer sur scène! Si bien que je me suis demandée pendant toute la durée du concert si je ressemblais plus à un chou-fleur, un champignon ou une salade frisée!

Nathalie.





LA MUSIQUE A KHARTOUM, SOUDAN - mars 2006

Legende des photos:

1 - Avec notre ami Molhe, membre du groupe de Dafalla
2 et 3 - Dans le village dingo, joueurs de wuaza
4 - repetition sur le toit du CCF quelques heures avant le concert
5 - joueur du Oud au centre national pour les instruments traditionnels

Lorsque nous nous apprêtons à nous rendre au Soudan, pour la première fois nous échappons à ces symptômes-fantômes qui refont surface à chaque fois que nous quittons un pays pour un autre, et qui préludent au déracinement du vagabondage: grosse angoisse, mal de tête et sentiment d’être tout petits et seuls au monde. Cette fois-ci, nous savons où nous allons, pour avoir été déjà invités dans ce coin d’Afrique l’année dernière. Et cela change tout! Quelle joie d’être accueillis à l’aéroport, quel confort d’être pris en main du début jusqu’à la fin, quelle chance de retrouver ici des têtes connues et amies…

Notre séjour a Khartoum, organisé par le centre culturel français, se passera comme suit:
- première semaine: répétitions avec les musiciens traditionnels soudanais, à l’issue de laquelle nous donnerons un concert « métissé » sur le toit du CCF.
- deuxième semaine: ateliers à la faculté de musique de la capitale, conférence sur la sonate baroque et quatre jours d’ateliers avant le concert final a la fac.

C’est Dafalla (grand prêtre de la musique traditionnelle soudanaise qui nous avait fait forte impression l’année dernière) qui prend les commandes de cette première semaine, et qui nous propose un planning digne d’un ministre de la culture en campagne: chaque après-midi une fois notre répétition quotidienne terminée, nous enchaînons visites de musiciens aux quatre coins de Khartoum: Orchestre National de musique traditionnelle, Orchestre Nationale des Femmes, meeting soufi, musiciens de l’ethnie Dingo, etc ... Un riche aperçu de l’étendu de la musique au Soudan, plus grand pays d’Afrique qui compte près de 500 ethnies, et donc presque autant de langues et de musique. Qui l’eut cru! Et quel drôle de coup du destin qui nous amène à connaître plus en profondeur ce pays que nous ne pouvions même pas situer sur une carte de l’Afrique!

S’il fallait en relater un seul, le moment fort de la semaine est incontestablement la visite du village ou vie la minorite dingo. Après un bon bout de route et quelques kilomètres de pistes a bord du tacot bringuebalant qui sert de voiture à Dafalla pour gagner ces faubourgs éloignés du centre-ville, nous arrivons enfin dans ce "club" de l’ethnie dingo. Le rendez-vous était pourtant arrangé par Dafalla: mais personne semble nous attendre… Le club en question se résume à une cour ensablée, où quelques chaises rafistolées s’entassent sous une taule ondulée. Les trois chaises rembourrées qu’on nous amène ainsi que quelques boissons fraîches nous font vite comprendre qu’il nous faudra patienter quelques instants avant de pouvoir réunir la dizaine d’instrumentistes nécessaires à reconstituer le wuaza, cet ensemble de flutes traditionnelles. Il n’y a pas foule comme on dit. Je passerai les détails de l’attente qui n’en valent guère la peine, pour vous emmener une bonne demi-heure et de nouvelles boissons plus tard: la moitié du village se trouve réunie à l’ombre de la taule ondulée, la bonne dizaine de musiciens requise est bien là, mais nous attendons maintenant la personne qui a les clés du local où sont rangés les instruments. En Afrique, mieux vaut prendre son temps et ne pas être trop à cheval sur les horaires, les choses se font lentement mais se font finalement, « il n’y a pas de feu au lac » ici non plus (et d’ailleurs pas de lac non plus).

La clé arrive enfin. Commence alors une incroyable cérémonie dont les rites se mettent en place progressivement: les wuaza (longs tuyaux évasés) sortent un à un de leur cachette et constituent chacun une partie d’un gigantesque orgue à taille humaine. Quelques pas de danse esquissés timidement, un pouet et deux tuts, et en un déclic, la grosse artillerie musicale se met en branle. En deux pas et trois mouvements c’est la farandole, des cris, des sons, des rires, des torses bombés de fierté, une pulsation exaltante fait même sortir un guerrier et sa lance du local (je jette un regard de plus en plus inquiet a Nat), c’est maintenant une village et demi qui est réuni dans cette cour… On nous colle une flûtiotte dans le bec, et après avoir vite ravalé notre stupéfaction, Nathalie, Dafalla et moi sommes happés dans la ronde. Chacun responsable de sa petite mission: une note et un rythme qu’il doit jouer au bon moment pour donner vie à cette œuvre collective monumentale. Le résultat sonore de cette mosaïque est impressionnant: une musique polyrythmique et répétitive, dont la force a fait dansé les plus plus réfractaires, sans l’ombre d’une réticence…


Raphael.









UNE VIE SOCIALE PRESQUE NORMALE (Lettre à Sandra Bartmann) - mars 2006
Légendes des photos:
1 - les bords du Nil, sur l'île de Tutti
2 - jeunesse soudanaise en tutu
3, 4 et 5 - le cirque des clowns sans frontière
6 - Nathalie, animatrice a l'école française de Khartoum
7 - au souk d'Omdurman
8 et 9 (ci-dessus) repas chez Dafalla, avec Sandra.

L'île de Tutti au coeur de Khartoum est l'exeption qui confirme la règle: le Soudan se situe bien dans une zone désertique sub-saharienne asséchée, suffoquante et assoiffante. Mais l'île de Tutti au carrefour des Nils est l'oasis qui raffraichît l'esprit: la ville distanciée, le temps ici semble suspendu. Les jeunes poussent le ballon, les vieux regardent le soleil se coucher. Les champs verdoyants s'étendent outrageusement de tout leur long sur la surface de l'ile, rythmant l'espace comme les barres de mesure sur la partition d'une valse opulente. La végétation luxuriante (si si) nous ferait presque oublier le climat hostile et la difficile réalite de la vie au Soudan. Il s'en faudrait de très peu pour que Tutti n'ai rien à envier à Cythère, sa soeur et seule rivale. Ici, la terre vous veut du bien et vous fait l'entendre, elle offre dans son verger ses fruits les plus savoureux. Tu avais raison Sandra, la forêt de Tutti (quelques arbres au beau milieu) est bien son plus bel atout. Les oiseaux colorés qui en sortent invitent à la baignade et parachèvent le tableau bucolique de cette promenade pré-dominicale.

Seule ombre au tableau, les chèvres de Tutti ont des queues trop longues. Ratées les chèvres. Pan. Ça ballotte de tous côtés, ça pendouille entre les pates arrière. Ça ne sert à rien. C'est moche et croûteux.

Tutti, c'est un peu comme le goût de la cerise en Iran, comme un Mac Do en Chine ou une soirée mondaine en Inde... Ces mirages sucrés qui vous donnent un léger arrière-goût de nostalgie.

Ou, plus improbable encore, comme ces clowns sans frontière qui débarquent au milieu du Soudan dans un centre pour enfants handicapés. En deux temps trois mouvements le décor est planté, le rêve déployé. Il fallait voir ces visages qui s'eclairent chez ces enfants qui n'ont pas idée de ce qu'un "spectacle" veut dire.

De la garden-pizza à la charlotte aux fraises,
en passant par la gratinade dauphinoise et la terasse du café Ozone.
Tarte aux gencives et gueules de boucs,
Karkade et Tabaldi à volonté,
cocktails de soirées
qui s'enchaînent sans se ressembler.

Mais ces plaisirs furtifs ne trompent qu'un instant.
Le séjour est fini il faut repartir.
Le coeur est gros.
On a bien ri comme jamais on a ri dans notre voyage.

Merci!

Raf et Nat.



ATELIERS A LA FAC DE MUSIQUE DE KHARTOUM - mars 2006
Legendes des photos:
1 - avec les profs de la fac
2 - Nathalie et Kamal, professeur de flute
3 - Raphael et une eleve de piano
4 - (ci-contre) Nathalie et la prof de clarinette travaillent un canon de Telemann

Le temps de prendre chaque jour notre dejeuner au centre culturel avec notre amie Sandra, et nous grimpons dans le pick-up du CCF qui nous emmene a la faculte de musique. Nous avons nos petites habitudes lors de ce sejour a Khartoum. Pour un peu, les reperes de notre planning a la mecanique bien huilee nous offre un debut de routine (hmm... que c'est bon la routine!).

Arrivee a la faculte. Courage, il faut relever les manches et affronter ce long tunnel de 4 heures de cours sous la chaleur caniculaire. L'arrivee au compte-goutte des etudiants, qui s'etale sur une bonne demi-heure nous permet de prendre notre elan. Les choses se mettent en place tout doucement au Soudan, il ne faut jamais etre trop presse!

Le premier jour apres les discours d'ouverture, nous improvisons une sorte de conference sur la sonate baroque: definition, origines, evolution, exemples. Le silence qui nous fait face dans l'auditoire n'est pas vraiment explicite. Soit cela leur passe a 40 kms au-dessus de la tete, soit ils sont profondement passionnes et trop bouleverses interieurement pour manifester quoi que ce soit. Continuons courageusement, nous finiront par comprendre que dans ce pays, les reactions ne sont jamais trop vives!

Pendant que Nathalie travaille de son cote le programme du concert final avec les professeurs, la premiere heure me sert a donner cours individuellement a chaque pianiste sur des pieces de Bach. Well... des bouts de piece en fait. Si l'enthousiasme du professeur de piano (qui traduit pour le reste de la salle) frise a certains moments l'euphorie, les eleves impassibles qui defilent sur l'estrade comme s'il s'agissait d'un echafaud me donnent parfois l'impression de ramer dans de la pate a modeler! Je redouble pourtant d'efforts pour les mettre a l'aise, me faire comprendre, les faire rire parfois. Dur dur! Un jour, une eleve sans doute intimidee se leve en plein milieu du morceau et quitte la piece dans un grand eclat de rire nerveux. Pas de pleurs comme on en trouve parfois en Europe, des rires! Bon... je me tourne stupefait vers le professeur, mi-figue mi-raisin: ... au suivant?

La deuxieme partie de l'apres-midi est consacree a la musique de chambre. Nous beneficions cette annee de plus de temps que l'annee passee, et cela fait du bien de sentir que cette-fois, la sauce prend! Les visages s'illuminent au fur et a mesure de la semaine, lorsqu'on retrouve ici ou la cette meme structure maintenant plus familiere de la sonate baroque. En passant dans les couloirs de la fac, on n'en revient pas d'entendre des walking-bass baroques qui s'echappent des portes entr'ouvertes. Une guitare-reggae, un violoncelle et une contrebasse en pizz autour d'un pupitre qui deroulent des kilometres de basses continues de Haendel, Corelli, Telemann.

Grace a notre fidele amie Laura-bullette (qu'elle soit ici grassement remerciee) qui brave des heures durant les caprices de la technologie pour scanner et nous envoyer par e-mail les partitions de sonates en trio page par page, nous preparons avec les professeurs de la faculte un programme de concert donne devant les etudiants (et journalistes!) le dernier jour.

Le pot d'adieu precedant le concert est un moment emouvant. Apres les discours de remerciements du directeur de l'universite et des professeurs concernes, une eleve se leve spontanement pour nous remercier a son tour de cette semaine d'ateliers. Puis une autre, puis un troisieme... et bientot une vingtaine d'eleves sur la cinquantaine presente qui se levent un par un pour nous dire quelques mots d'adieu et de remerciements. Il nous faut contenir la larme et faire bonne figure, car nous jouons dans quelques minutes...

Raphael.