09 février, 2006

QUELQUES CLAVIERS POUR L'INDE - decembre 2005, janvier 2006

Vous vous demanderez peut-etre pourquoi je ne parle pas ici de mon attirail flutistique. Il faut dire que mon sort ne me laisse aucun inprevu, je transporte toujours ce meme fagot de quelques bouts de bois avec lesquels je jongle d'une piece a l'autre lors de nos concerts.
Plus difficile pour mon loulou qui doit la plupart du temps se rabattre sur son ukulele-renaissance qu'il maitrise d'ailleurs de mieux en mieux (il se lance maintenant dans d'interminables preludes non mesures en adoptant une moue de toreador inspire). Cependant, l'Inde nous a reserve de belles surprises en lui offrant la possibilite de reprendre contact avec quelques claviers. Les exemples ci-dessous, dignes d'etre mentionnes, vous temoignent de leur diversite.

photo 1: Ce magnifique synthetiseur Casio 5 octaves a fait le voyage depuis la Belgique pour accompagner la chorale du Brabant-Wallon lors de notre tournee a Delhi et au Rhajastan. Raphael et Chacha se sont partage les manettes de cet instrument tout terrain en alternant des pieces de Rossini, Celine Dion, Purcell, Gospels et quelques chants de noel. Alors que Chacha a eu beaucoup de mal a retrouver la sonorite perlee de son Steinway (voyez les encouragements de son fils), Raf par contre s'en est donne a coeur joie dans les pieces Jazz: glissandos par-la, gamettes par-ci, septiemes mineures et neuviemes diminuees, blue-notes et trilles interminables. Bref tout en retenue comme d'habitude!


Photo 2: Lorsque nous avons ete menes au clavecin (Sassman 1970, copie Pleyel) du National Center for Performing Arts, sur lequel Raphael etait sense assurer le concert a Bombay, mes yeux ont fait un tour complet dans leur orbite! A la vue de ce mastodonte, j'ai bien cru qu'il y avait une confusion sur le type d'instrument: un veritable char d'assaut insubmersible en contreplaque a 7 pedales!! C'est seulement lorsque Raf met les mains dessus emettant une cacophonie de feraillerie que je comprend qu'il s'agit bien de la famille des cordes pincees. La secretaire de l'alliance francaise, pincee elle aussi, observe notre reaction du coin de l'oeil, un peu tendue...
Raf me souffle a l'oreille: "ca n'ira jamais..."
Je lui reponds discretement: "gardons notre calme, on en a deja vu d'autre!".

C'est avec du temps, beaucoup de patience et tout de meme quelques rales et jurons (ne romancons pas non plus) que Raf a reussi a lui redonner une petite beaute sonore. Les "do" sont restes capricieux cependant et par manque de chance, sa seule piece en solo etait en do mineur, donnant un effet gruyere a la fantaisie de Bach, comme un orgue de barbarie auquel il manquerait une dent!

photo 3: Pitanga, salle de yoga dans ses jours de routine, se transforme d'un tour de bras et apres quelques coups de fils en une magnifique salle de concert a l'accoustique de reve. Les projecteurs s'allument, les gerbes florales surgissent du plancher, les petites bougies poussent comme des champignons, un piano a queue sort de sa cachette, les aurovilliens affluent finalement en masse de la dense foret noire pour remplir l'espace plein a craquer. Les conditions ideales reunies pour une inspiration maximale, en temoigne le poignet pivotant de Raphael. Quel drole d'endroit qu'Auroville!

photo 4: Ce clavecin construit par Hendrik Bouman semble respecter davantage les canons actuels. Si vous avez le courage de faire un petit zoom sur son couvercle, vous y pecevrez cependant une touche tres orientale! Elephants et divinites indiennes sous les palmiers... L'instrument, embarque un temps sur un bateau, a connu les pires tempetes avant de venir s'echouer sur les cotes de Pondichery. L'histoire est surement digne des clavecins amenes par les jesuites a la cour de Kangxi en Chine.

photo 5: C'est un peu tard que nous vous presentons l'instrument de notre travail quotidien. C'est bel et bien avec cette languette amovible et enroulable en caoutchouc que nous repetons, des heures durant, sonates de Bach, Corelli, Haendel. Cette technologie japonaise made in China nous permet de travailler dans les lieux les plus incongrus: halls de gare, trains, chambres d'hotels, plages parfois... Il offre une palette sonore des plus variees (100 sons) allant des percussions huttues aux gamelans micronesiens, mais pas la moindre trace d'un son de clavecin! Qu'a cela ne tienne: a cheval donne, on ne regarde pas les dents, et au point ou on en est, Haendel a deja fait des quadruples vrilles dans sa tombe!

Nathalie.