13 février, 2006


A RARE CONCERT OF INDIAN MUSIC - 11 fevrier 2006

Alors que nous etions sur le point de quitter l'Inde, quelques personnes ou amis nous demandaient parfois quels avaient ete nos contacts avec la musique indienne, les echanges avec les musiciens de ce pays: peu nombreux malheureusement. Nous nous appretions donc a quitter le pays avec le sentiment d'avoir passe la plupart du temps a courrir d'un bout a l'autre du sous-contienent indien, d'une ambassade a une alliance francaise, et d'un ashram a une ecole de quartier... Qu'importait finalement, l'echange avait pu s'effectuer d'une autre facon, et la vie nous donnerait surement l'occasion de revenir en Inde...

Arrives a Bombay quelques jours avant de prendre notre avion pour l'Iran, nous risquions notre derniere chance d'assister a un concert de musique classique indienne. Dans cette ville de plus de 15 millions d'habitants, capitale culturelle sinon economique, le poisson ne devait pas etre trop difficile a pecher. L'hotesse du bureau Iran Air nous renseigna gentiment sur les differentes salles de concert dans lesquelles nous serions susceptibles de pouvoir glaner quelques ragas... Puis nous mit une drole de puce a l'oreille... "il devrait y avoir Ravi Shankar dans les parages pour un concert a Bombay, peut-etre ce soir, a moins que ce fut samedi dernier..."

Ce genre de puce ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd... nous achetons sur le champ les journaux anglophones, le Bombay Times, the Asian Age, dans l'espoir d'obtenir quelques informations dans les pages culturelles. L'une d'elles est formelle: il s'agit bien d'un concert de Ravi Shankar, accompagne de sa fille Anoushka et de Zakir Hussain (le plus grand joueur de tabla me souffle alors Nathalie).

Je passe ici sous silence les moultes demarches pour tenter de localiser la salle de concert et d'en trouver les coordonnees, pour finalement apprendre sans grande surprise que le concert est SOLD OUT. Pensez-vous, quand un elephant rencontre un mammouth, ca fait du bruit... ce genre de rencontre au sommet ne passe pas inapercue, la presse ne se privant pas de rappeler que leur dernier concert remonte a 16 ans...

Nous decidons donc de tenter le tout pour le tout (la force magique du tour du monde aidant): les quelques quarts d'heure de train de banlieue, entasses parmi une foule d'indiens qui regagnent leur domicile (et quelques mains pelotteuses), ne nous arreterons pas! La salle de concert est loin de la gare, et lorsque nous la trouvons enfin, le malabar qui en garde la porte d'entree est formel: "plus de place on vous a pourtant dit!" Nous prenons donc notre mal en patience, mais l'espoir s'amenuise au fur et a mesure des personnes qui entrent. Elles possedent toutes leur ticket, et pas meme l'ombre d'une billeterie pour pleurnicher... Je pense un instant tenter le coup du "je suis un ami de Ravi", mais quelque chose me dit que je ne serais pas vraiment credible... Quelques billets se revendent bien a la sauvette ici ou la... mais l'assurance et la rapidite d'agir nous font defaut face aux rapaces qui rodent a l'affut du moindre bout de papier qui depasse.

L'heure du concert passee, nos regards perdus plongent dans la nuit tombee, l'ame en boudouliere, plus d'espoir, c'etait cuit d'avance.

Lorsqu'un jeune gomine surgit de nulle part, le portable a l'oreille, un clin d'oeil au malabar et un eventail de quelques derniers billets a la main. Il est litteralement assailli par une quinzaine de personnes qui seraient prets a tuer pere et mere pour lui extorquer un seul de ces bouts de papier. Pour une raison qui nous est restee obscure, le gomine ecarte la foule pour me proposer les deux premiers billets...

Le reve commence alors, avec le sentiment jouissif d'etre la ou il faut etre, au bon moment. La salle, deja eteinte, immense, contient plusieurs milliers d'indiens. Nous nous faufilons a nos places, tout en haut, n'en croyant toujours pas nos yeux, nos oreilles bientot.

Le concert indien est un evenement socio-culturel multi-dimensionel. Par dela la fascination que peut susciter la musique indienne, il est tres emouvant d'etre temoin d'un tel evenement. Le peuple indien vibre a l'unisson pour ses musiciens. Il chante, tape des mains, ponctuant les ragas des temps forts de ces mesures impairs abracadabrantes. Et lorsque que l'un des musiciens realise une belle cabrille (c'est a dire retombe sur ses pieds au debut du raga), la jouissance est largement partagee, la salle est aux anges, les gens applaudissent, rient aux eclats, acclament leurs idoles. Le son est degueulasse, l'amplification douteuse, des derniers rangs ou nous sommes, on ne voit quasi rien. Qu'importe, l'onde se propage a la vitesse du son, le corps humain est conducteur de cette grace de la musique, la salle ne fait plus qu'un dans ce dialogue intime avec la musique. L'emotion donne le vertige.

A plusieurs moments de la soiree, alors que j'ecoute attentivement le discours musical dans l'espoir d'en percer un des secrets, je me fait surprendre par un gloussement de satisfaction qui emane de la salle entiere... Je n'y vois que du feu, n'y comprend que d'alle, mais me laisse porter par cette extase collective. C'est du bonheur qu'on est en train de diffuser largement, a coup de clins d'oeil musicaux... Le rapport que le musicien entretient avec la musique est tout autre que celui que l'on connait en Europe. Ici, l'idee "d'interpretation" qui met en avant l'ego d'un artiste ne semble pas exister. Les musiciens et le public "sont" la musique au moment ou elle se cree. Si seulement elle se cree... Car la musique finalement n'a pas besoin du musicien pour la creer mais pour la reveler. La musique precede le musicien et existe avant lui, sans lui.

Lors du dernier raga, et apres que le tabliste a eloigne son micro qu'il jugeait peut-etre trop infidel, la salle peste: des jurons, des rales et des cris se projettent dans l'espace vide en direction du tabliste. Tabla! tabla! tabla! Les musiciens s'arretent net en plein milieu d'une phrase musicale, les deux parties s'expliquent, semblent presque negocier la distance adequate du micro, puis la musique reprend avec une meme intensite, face a un contentement largement exprime dans une pluie d'applaudissements et de hourras... Nous sommes estomaques!

La musique, n'est visiblement pas affectee une seconde de cette interruption: elle semble ne pas s'etre arretee un instant et continuait son court de son cote. Tel le courant electrique qui alimente une lampe est constamment present dans la prise, la lampe joue le meme role que celui du public et des musiciens: elle est son revelateur. Alors qu'elle brillait avec eclat avant qu'on la debranche un instant, elle brille avec le meme eclat lorsqu'on la rallume...

Raphael.








GOKARNA - fevrier 2006

Gokarna, petit village du Karnataka, est une tranquille petite bourgade qui respire l'Inde profonde, spirituelle et coloree. Un des lieux les plus sacres de l'Inde du sud, il drene un interessant meli-melgame de pelerins hindous, d'amateurs de plages, d'erudits sanskrits ou de veritables hippies... De petites plages tranquilles a quelques foulees du village offrent des paysages de cartes postales, les babas enfumes fournissent pour quelques heures la musique de fond (tam-tams et didjeridoos... ), et quelques animaux mentionnes dans notre bestiaire donnent la touche finale a ce decor bigare.

N'en deplaise a nos genereux sponsors et autres partenaires culturels, c'est bien pour la formule "doigts de pied en eventail" (option cocotiers et payotte en bambou) que nous avons opte pour notre derniere semaine en Inde. Au programme de la matinee:
-cours de Yoga sur la plage voisine pour les femmes,
-footing et chi-gong en compagnie des dauphins pour les hommes,
et tout le monde se retrouve l'apres-midi pour enchainer siestes, baignades, ateliers intensifs de lecture et ecriture en attendant calmement le spectacle offert chaque soir de l'astre qui se couche dans le lit de l'ocean.

Raphael et Nathalie.