06 février, 2006






UN QUATUOR DE FLUTISTES INDIENS - janvier 2006
Legende des photos ci-dessus:
1 - concert a l'ashram (Pastorale de Corelli)
2 - Anne-marie Paillard, camescope en main, et Mme de Blique, fondatrice du Volontariat
3 - seance de travail au show-room du Volontariat
4 - Galette des Rois chez Anne-Marie Paillard
5 - animation dans une ecole du quartier
6 - repetitions du quintet

La rencontre de ces musiciens et le projet de travailler avec eux s'annoncait comme un des moments forts de notre voyage. Rendez-vous compte, quatre jeunes flutistes a bec au fin fond de l'Asie, qui jouent du repertoire baroque europeen et n'attendent qu'une seule chose, des cours de flute! On se sentait donc cette fois-ci vraiment utiles et attendus. C'est Sebastien Marq, professeur de flute a bec au conservatoire de La Haye, qui nous avait parle de son amie Anne-Marie Paillard et de ses eleves flutiste de Pondichery (nous le remercions ici de nous avoir investi de cette belle mission). Les presentations faites, le contact etabli et quelques echanges d'e-mails pour preciser des dates, il ne restait plus qu'a attendre patiemment le moment venu...

La premiere rencontre est pleine de pudeur, tout le monde un peu intimide par cette longue attente mutuelle. D'autant plus que Anne-Marie, hospitalisee a Madras, n'est pas presente la premiere semaine. Chacun fait un pas vers l'autre, et se decouvre doucement. Nathalie me demande de la laisser seule donner le premier cours au deux flutistes. Puis vient le tour des deux autres le lendemain. Je commence alors progressivement a (perdre patience et) montrer le bout de mon nez, lorsque la gene des premiers pas cede la place a davantage de confiance.

Nous sommes tout de suite impressionnes par leur niveau et surtout par leur aptitude a reagir tout de suite, avec une flexibilte et des capacites d'adaption qui feraient rougir plus d'un professeur en Europe. Bravo a Anne-Marie pour le beau travail... impressionnant de constater que ces quatre garcons tamouls manient les pieces de leur repertoire avec autant de gout et de bonnes bases technique... Seul le cours delai qui nous est imparti pose probleme, et nous realiserons tres vite qu'il sera necessaire de revenir, changeant notre itineraire et nos plans en Inde pour realiser un travail plus approfondi avec eux. Lors du dernier cours et avant de nous absenter une semaine a Bombay, Nathalie a la bonne idee de choisir une piece a jouer tous ensemble, et tres vite germe l'idee d'un vaste programme autour de Corelli a proposer a l'ashram, avec un arrangement d'un mouvement de concerto joue par le quintet de flutistes, le clavecin d'Hendrik pour quelques sonates et peut-etre une de ses compos dans le gout Corellien, les sonates de Pedrini ramenees de Pekin, une Follia avec double continuo (l'ashram reclamait de la guitare!), bref un joyeux bazar fourre-tout et peut-etre legerement ambitieux. C'etait sans compter les quelques raideurs institutionnelles evoques ci-avant (ou ci-dessous dans le texte "les chapelles de Pondichery"): ne joue pas qui veut a l'ashram, et on nous fait gentiment prendre conscience du privilege d'avoir ete "choisis"...

Qu'a cela ne tienne, nous ne transigerons pas, le concert sera avec le quatuor ou ne sera pas. La pastorale de Corelli, dont la partition scannee nous avait ete prealablement envoye de France (merci a Laurence et Philippe) prend vite forme, et au bout de la deuxieme semaine de travail, les portes s'ouvrent dans une joyeuse ambiance de galette des rois. Concert-presentation a l'ashram, suivi le lendemain d'une animation dans l'ecole Sathyalayam (quartier des lepreux), ou les garcons nous servent d'interpretes. Tout juste le temps de croquer dans la galette entre les deux concerts. Tout cela donne un tout petit gout de tournee pondicherienne! A l'issue de l'animation, les enseignants de l'ecole s'entretiennent avec eux en vue de les employer comme professeurs de flute...
Le dernier jour passe avec eux nous servira a leur donner des derniers conseils, et reflechir ensemble sur ce que "musicien professionnel" peut signifier.

Le temps a joue en notre faveur cette fois-ci, et nous avons note cet heureux concours de circonstance d'avoir eu l'opportunite de les faire jouer avec nous lors des animations.
Un proverbe asiatique souvent cite par notre amie Yuko donnera la note finale:
"il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous..."

Raphael et Nathalie.










LES CHAPELLES DE PONDICHERY - janvier 2006
Legendes des photos:
1 - Benediction de l'elephant devant le temple dedie a Ganesh
2 - Front de mer, "beach road" ou "promenade des francais"
3 - parties de petanque en centre-ville
4 - le Matrimandir d'Auroville, salle de meditation
5 - les "gongs" d'Auroville attendent d'etre replaces sur le toit du Matrimandir
6 - concert dans la salle Pitanga d'Auroville
7 et 8 - animations dans les ecoles de l'ashram de Sri Aurobindo
9 - animation dans l'ecole du quartier des lepreux
10 - avec la famille Bouman et le clavecin construit par Hendrik
11 - eglise de l'immaculee conception, Pondichery


Pondichery ou le "panier de crabes"
Pondichery ou le "nid de viperes"
Pondichery ou le "grand echiquier"...

Autant de sous-titres possibles qui vous donnent une idee de l'ambiance qui regne sur cette terre chargee d'histoire... (http://www.pondichery.com/french/histoire/). Dernier comptoir francais en Inde et ce jusqu'en 1954, cette petite bourgade de province offre un charme tout particulier, et bien different du reste du pays.
Ici, les noms des rues sont ecrits aussi en francais, la promenade des anglais s'appelle promenade des francais, les papys indiens tirent ou pointent le cochonet sur la place du village, les restos proposent tous une carte francophone dans laquelle le filet de boeuf a l'echalotte cotoie la terrine de lapin, et nombre de batiments ou institutions temoignent encore de ce passe colonialiste.
Autant vous dire qu'apres plus de quatre mois de voyage en Asie, le decor n'est pas deplaisant, la terrine est bienvenue, et vas-y aussi pour le steack. A peine le temps de nous refaire une sante et de donner un premier concert a l'alliance francaise, nous voici vite projettes dans ce grand echiquier dont nous vous parlions. Cette petite ville abrite autant d'institutions qui se regardent de travers, se rejettent ou se convoitent, s'influencent ou se detestent. Chacune d'elles est presente lors de ce premier concert, nous offrant du coup la possibilite de donner trois concerts supplementaires, et nous decidant donc a ramener nos pions une fois remplis nos engagements a Bombay.

Dans le role du roi, Sri Aurobindo, sans contexte. Ce sage-penseur-gourou comme l'Inde en compte beaucoup a fait ses etudes en angleterre pour venir ensuite precher une spiritualite qui se veut etre une synthese des deux cultures, hindouiste-traditionnaliste et occidentale-moderniste.

La dame se faisait appeler "la mere", une francaise qui l'a rejoint dans les annees 50 ou peut-etre meme avant, et qui l'a aide a fonder l'ashram. Tous deux sont maintenant morts et reposent dans un samadhi, un tombeau transforme en sanctuaire sur lequel viennent mediter nombres d'indiens ou d'occidentaux. L'ashram possede bien la moitie de la "ville blanche", les portraits "royaux" habillent les murs de toutes les maisons de la ville, ornent les commerces et encombrent les chambres d'hotels.

Le couple royal a fait des petits, attribuons-leur les fous puisque les pieces sont la... Ils se crepent joyeusement le chignon a Auroville, un site tout a fait etonnant a quelques kilometres de Pondi. Auroville, la "cite de l'aurore" (nous ne nous risquerons pas au jeu de mots), est une ville idealiste (utopiste?) insufflee par "la Mere". En 68, des representants de 120 pays deposent symboliquement un peu de leur terre dans une urne, et construisent dans le desert de sable rouge une cite de "l'eternelle jeunesse" ou fraternite, harmonie et progres sont les maitres-mots guidant la conception du site. Aujourd'hui quelques milliers d'habitants disperses dans plusieurs villages forment differentes communautes, artistiques, agricoles, educatives...

Le role du cavalier revient a Hendrik Bouman. Etonnante rencontre que celle de ce gentleman hollandais, claveciniste eleve de Koopman a Amsterdam, qui fut pilier de Musica Antiqua Koln a ses debuts, avant de choisir de prendre le large. Apres avoir galope a travers differents pays et modes de vie, (Allemagne, Inde, France, Canada, tournees de concerts, retraite en Italie avant une annee sur un bateau avec femme et enfants), il semble s'etre pose pour un temps a Pondi, entre ashram et Auroville, pour se consacrer a ses compositions dans le style baroque. Le clavecin qu'il a construit est bien la, les bagages qui les suivent avec un pays de retard arriveront bientot, dans un an peut-etre, a moins qu'ils ne decident subitement de reprendre le large...

Ils manquerait encore beaucoup de pions pour habiller les nombreuses autres institutions qui regnent a Pondi. Associations, ONG, missions catholiques, benevolat ou volontariat qui ont jete l'ancre ici - tous pour la meme cause mais utilisant des mots, des armes, des religions, et des moyens differents - donnent a la ville une diversite source de richesses autant que de conflits.

Dans ce joyeux desordre et ces querelles de chapelles, l'alliance francaise se pose en arbitre. Neutre et du haut de sa tour, son directeur se garde bien d'afficher une couleur autre que celle de la laicite pluriculturelle. Et c'est tant mieux! L'accueil qu'il nous a reserve et le concert dans l'auditorium font partie des bons moments de Pondichery.

Pendant la quinzaine de jours que totalisent nos deux sejours, nous avons donc deplace nos pions d'un bout a l'autre du carre, se donnant -naivement- la mission d'harmoniser l'espace de jeu, pour finalement choisir (sagesse?) de reculer nos pions, retrouver pour le dernier concert l'espace neutre, la page blanche ou le disque vierge dans laquelle la musique s'epanouit le mieux, n'acceptant aucun compromis ni aucune ambiguite.

Raphael et Nathalie.